C’est inédit dans le secteur de l’intelligence artificielle (IA). Le 22 juillet, la start-up française Mistral AI a dévoilé publiquement un premier bilan de son impact environnemental. Réalisé avec l’Agence de la transition écologique (Ademe) et le cabinet Carbone 4, ce rapport aborde le cycle de vie de Mistral Large 2, l’un des modèles de langage les plus lourds développés par l’entreprise, dont le but est notamment de comprendre et générer du texte.
Pour ce faire, Mistral AI s’est penché sur trois principaux enjeux : les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau et l’épuisement des ressources naturelles. Résultat, 18 mois après son lancement, Mistral Large 2 a généré 20,4 kilotonnes équivalent de CO2 (ktCO2e), soit 11 525 aller-retours Paris-New York en avion. Plus de 85% de ces émissions proviennent de l’entrainement du modèle, phase très gourmande en électricité notamment via l’utilisation de centres de données. Sur ce point, la start-up souligne l’importance de la localisation des infrastructures et du mix énergétique qui les alimentent. “Nous construisons nos propres data centers en France afin de tirer parti d’une électricité bas carbone et d’un climat frais”, note ainsi Mistral AI.
“Améliorer la transparence et la comparabilité”
La phase d’entrainement constitue également la plus grande part de la consommation d’eau de Mistral Large 2. Au total, ce sont 281 000 m3 d’eau qui ont été utilisés, soit le volume nécessaire pour remplir près de 75 piscines de taille olympique. A cela s’ajoute l’usage de ressources naturelles, à hauteur de 660 kilogrammes équivalent antimoine (kg Sb eq). Cet indicateur permet de prendre en compte l’extraction de ressources minérales non renouvelables, comme les terres rares, le sable ou le cuivre.
La question des usages n’est néanmoins pas laissée de côté. Concernant l’utilisation de l’assistant IA créé par l’entreprise, “Le Chat”, la génération d’une page de texte est à l’origine de l’émission de 1,14 gCO2e et de la consommation de 45 ml d’eau, nous expliquent les auteurs du rapport. Concrètement, ces données seraient comparables aux émissions entraînées par le visionnage de 55 secondes de vidéo en streaming par un Français et au volume d’eau nécessaire à la culture d’un radis rose.
“Ces chiffres reflètent l’ampleur des calculs impliqués dans l’IA générative, qui nécessite de nombreux processeurs graphiques, souvent dans des régions où l’électricité est très polluante et où il y a parfois des problèmes d’approvisionnement en eau”, détaille Mistral AI. Avec cette étude unique en son genre, la start-up souhaite “améliorer la transparence et la comparabilité” des acteurs du secteur. Pour cela, elle appelle notamment à la mise en place de “cadres normalisés reconnus à l’échelle internationale”, permettant aux entreprises de s’orienter vers un “alignement sur les objectifs climatiques mondiaux”.
Vers une explosion des émissions
Mais le chantier qui s’annonce est titanesque. Selon un rapport du cabinet Deloitte publié en novembre 2024, les besoins en électricité des centres de données pourraient être multipliés par trois durant la prochaine décennie pour répondre à la demande en pleine explosion de l’intelligence artificielle. Ces infrastructures seraient alors responsables de 3% de la consommation électrique mondiale et pourraient voir leurs émissions carbone atteindre 235 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici 2030, soit l’équivalent des émissions d’un pays comme l’Espagne.
Un enjeu majeur alors que les géants de l’IA enregistrent d’ores et déjà une augmentation de leurs émissions de CO2 malgré leurs engagements de neutralité carbone. C’est le cas par exemple de Microsoft, dont les émissions ont bondi de 30% depuis 2020 ou encore de Google pour qui cette hausse s’élève à 48% par rapport à 2019. A l’occasion d’un discours spécial sur l’action climatique le 22 juillet dernier, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a ainsi invité les entreprises de la tech à “faire en sorte que tous leurs centres de données fonctionnent aux énergies renouvelables d’ici à 2030” afin de “répondre durablement à l’augmentation de la demande énergétique mondiale”.